Entretien avec Maxime, co-fondateur de Touchify

A l’occasion de la journée internationale des startups, Maxime LUCE, co-fondateur de Touchify, revient sur son expérience et livre ses conseils aux futurs entrepreneurs de 2021.

Comment avez-vous eu l’idée de Touchify ?

« Dans ma première société, nous avons été sollicités pour digitaliser les supports de vente des 450 commerciaux d’une grande entreprise.

La direction commerciale avait des difficultés pour gérer les classeurs contenant les présentations produits et les tarifs. Il était notamment impossible de s’assurer de la mise à jour de ces informations. Certains commerciaux vendaient même en utilisant des tarifs dépassés depuis plus de deux ans !

À l’époque, le tactile tel qu’on le connaît aujourd’hui n’existait pas. L’iPad n’existait pas, il n’y avait que des tablet-pc (des ordinateurs avec un écran tactile pivotable). Nous avons donc eu l’idée d’utiliser ce type d’ordinateur en tirant parti de l’interactivité offerte par le tactile et non simplement en numérisant le catalogue papier en PDF.

Le résultat était un catalogue tactile présentant les 30 marques distribuées par l’entreprise avec un menu interactif pour naviguer entre leurs différents univers graphiques de manière simple et intuitive. Le tout pouvait être mis à jour de façon centralisée, instantanée et garantie sur l’ensemble de leur force commerciale.

Le projet fut un véritable succès. Nous avons alors compris que nous avions fait émerger une opportunité. Nous savions que le tactile allait se démocratiser et nous avons donc décidé de capitaliser sur cette tendance future. »

Combien de temps a duré la préparation en amont avant de lancer Touchify ?

« J’ai tout d’abord travaillé seul sur le produit pendant 3 ans. J’ai confronté l’outil au marché et les premiers retours étaient excellents. Durant cette période, des versions bêta ont été déployées chez plusieurs clients comme Ricard, Microsoft ou encore le Musée de l’Alcazar à Marseille.

Je souhaitais créer un éditeur complet qui fonctionne dans un navigateur, permettant de centraliser et de diffuser l’information. Les présentations créées devaient fonctionner sur toutes les plateformes. Au vu des technologies web à l’époque, c’était un véritable défi technique.

Après une phase de R&D d’environ 2 ans, j’ai présenté le projet à la communauté tech, qui a été impressionnée par le résultat et les concepts techniques mis en œuvre. En particulier, les équipes de Microsoft, ce qui a motivé leur volonté de nous incuber dans leur accélérateur, Microsoft Ventures.

En 2015, Antony, mon frère, m’a rejoint pour m’aider à finaliser le projet et à lancer officiellement l’aventure Touchify. Lors de la création de l’entreprise, nous avions déjà un logiciel dans une première version stable et des demandes de clients. Notre première vente a été conclue le lendemain de la création de l’entreprise. »

Avez-vous suivi le modèle Lean Startup ? Si oui, est-ce un modèle que vous conseillerez à une personne qui souhaite ouvrir sa boîte ?

« Oui, nous avons suivi ce modèle mais sans véritablement le connaître. De manière naturelle (mais imparfaite), nous avons adopté certains principes du Lean Startup tels que l’expérimentation, le design itératif ou encore le développement par la clientèle. Ce n’est que bien plus tard que nous avons découvert le modèle “Lean”.

C’est un modèle à suivre impérativement car il force la startup à confronter son produit au marché pour confirmer immédiatement son adéquation aux besoins des clients.

C’est une phase indispensable pour éviter de créer un produit inadapté qui ne trouvera pas son marché. L’erreur est de vouloir à tout prix lancer un produit complet et parfait. Par exemple, aux Etats-Unis, les entrepreneurs n’hésitent pas à se lancer avec un premier prototype très minimaliste. Bien sûr, le produit n’est pas directement présenté à toute l’audience ciblée. Mais confronter le produit au marché est important. Ça permet aussi de développer son réseau et de construire une première base client.

Dans notre cas, Touchify Analytics n’existait pas au lancement et n’avait même pas été imaginé. Ce sont les premiers clients de Touchify qui ont fait émergé le besoin. C’est aujourd’hui une des fonctionnalités phare de la solution.

Néanmoins, il faut maintenir un cap et éviter de faire la girouette. C’est-à-dire de tout remettre en cause et de pivoter après chaque retour client. Il faudra valider la pertinence de la fonctionnalité, son coût de mise en œuvre et sonder de nouveau le marché et les clients actuels.

S’il y a une entreprise qui représente le modèle parfait selon moi, c’est Slack. Le fondateur a fait plusieurs pivots avant d’arriver à l’entreprise que nous connaissons aujourd’hui. Leur première version était un prototype relativement limité par rapport au produit actuel. Mais ils avaient déjà une base client énorme et des milliers d’utilisateurs. C’est un bel exemple d’expérimentation et de développement par la clientèle. »

Quels conseils donneriez-vous à un jeune entrepreneur avant de se lancer ?

« La première chose est de croire en soi et en son idée. Ensuite il faudra impérativement sonder le marché et confronter son projet, au début mais également tout au long de l’aventure. En parler, participer à des événements, travailler dans des espaces de coworking… Enfin, renseignez-vous sur l’écosystème des startups en France, notamment sur les aspects financiers et les nombreuses aides existantes pour créer son entreprise. »

Interview réalisée par Sem Poaty-Tindy, étudiant en Magistère Droit, Journalisme, Communication à Aix-Marseille Université.